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LES IDÉES CONTRE-RÉVOLUTIONNAIRES


les obtiendra, fera voter pour les « mélinistes[1] ».

L’action du ministère se fit peu sentir. Méline eut voulu appuyer les conservateurs ; Barthou s’y refusa.

Le résultat fut, pour la première fois depuis vingt-cinq ans, un temps d’arrêt[2]. Les statistiques officielles accusèrent un gain insignifiant de quatre sièges ; les républicains, dans presque toutes les circonscriptions, n’avaient pas encore été serrés d’aussi près. Toutes les fractions du parti perdirent quelques-uns de leurs chefs : les socialistes, Jaurès[3], Guesde, Gérault-Richard ; les radicaux, Goblet ; les modérés, Develle[4], Darlan. Par contre, les nationalistes et antisémites firent passer leurs principaux meneurs, Millevoye. Déroulède, Cassagnac, Drumont, élu triomphalement à Alger[5].

Le ministre des colonies, André Lebon, fut battu. Il y avait à Parthenay une centaine de revisionnistes ; ils votèrent pour un royaliste, le marquis de Maussabré, plutôt que de mettre dans l’urne le nom de l’homme qui avait torturé Dreyfus.

  1. Lettre du P. Adéodat : « Manœuvres pour faire passer les mélinistes. » (Procès, 108.)
  2. Les élections eurent lieu les 8 et 22 mai 1898.
  3. Sollicité de se présenter à Paris, au scrutin de ballottage, Jaurès déclina les offres de ses amis : il allégua sa santé et son désir de se vouer, hors du Parlement, à l’éducation et à l’organisation du parti socialiste : « Jamais le parti socialiste n’a eu un plus grand besoin de tout son idéal. La France est comme attardée aujourd’hui en une crise d’équivoque et d’impuissance. »
  4. Develle avait laissé paraître sous son nom un appel où on lisait : « J’ai toujours réprouvé la campagne antipatriotique des soutiens du traître Dreyfus… Je donnerai l’appui le plus énergique aux mesures qui auront pour but d’assurer le respect de la chose jugée. » Il n’était pas l’auteur de cette affiche, mais il ne la désavoua pas, bien que convaincu déjà de l’erreur judiciaire. Il n’en fut pas moins battu par un antisémite, Ferrette.
  5. Les officiers et les musiques militaires prirent part à des manifestations antijuives.