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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


grand prix, puisqu’ils sacrifient à leur réélection leur conscience, dont ils étouffent le cri, et le souci supérieur des intérêts de la justice.

Il est possible, comme on me l’a fait dire, que je perde mon siège dans cette bataille ; il est certain que je garderai la satisfaction d’avoir fait mon devoir : c’est quelque chose.

Au surplus, si tous ceux qui partagent notre conviction ne s’étaient pas tus, s’ils avaient agi comme ils le devaient faire, ils auraient évité à la France les angoisses et les humiliations de ces tristes jours.

Ma profession de foi répéta les mêmes avertissements :

J’oppose aux contrefaçons de la République, la République des droits de l’homme et du citoyen…

Celui qui cède aux entraînements de l’opinion, celui qui dissimule, par peur ou dans un vil intérêt personnel, ses convictions, celui-là est indigne du titre de représentant du peuple.

Savoir qu’une illégalité, qu’une erreur judiciaire a été commise — et se taire, c’est s’en rendre complice.

Est-ce manquer de patriotisme que de vouloir que la France bonne et généreuse, fidèle à sa glorieuse mission, à sa raison d’être historique, reste à l’avant-garde de l’humanité en marche ?

Est-ce outrager la justice que de croire qu’un tribunal peut, de la meilleure foi du monde, se tromper et sur le fait et sur le droit, de dénoncer une erreur, de chercher à la réparer ?

Est-ce outrager l’armée que de la vouloir pure de toute souillure, que de s’affliger si l’on voit maintenir dans ses rangs le vrai auteur du crime pour lequel un innocent a été frappé ?

L’honneur de l’armée, c’est nous qui le défendons.

La plupart de ces anciens amis qui me retiraient leur