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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


Paris, « quartier par quartier[1] », les moines déchaînés, francs-tireurs et bachi-bouzouks de la Foi ; et il répudia à nouveau l’antisémitisme, mais sans pénétrer plus avant, jusqu’à la cause, à la fournaise même du volcan. Dans les réunions, quand on le pressait, il se bornait à répondre : « Affaire Zola, affaire judiciaire ; affaire Dreyfus, affaire judiciaire. Laissez-les dans ce domaine. Nous n’avons que faire d’en empoisonner la politique[2]. »

Bourgeois, Cavaignac, qui devenait très populaire jouant au Robespierre du patriotisme, entreprirent des tournées oratoires. Bourgeois émit cette singulière théorie que, si l’armée doit être subordonnée au pouvoir civil, « celui-ci doit lui assurer qu’en aucun cas elle ne sera l’objet de critiques[3] ».

Ils avaient promis tous deux d’aller soutenir à Saint-Jean-d’Angely un candidat républicain (Réveillaud) ; ayant appris qu’il s’était montré favorable, dans un journal, à la Revision, ils rebroussèrent chemin[4].

Clemenceau observa que les plus « avancés », les « porteurs de principes », furent hantés, plus que les autres candidats républicains, « par la crainte de se laisser distancer par les Césariens et les Jésuites[5] ». (L’excuse, qu’ils allégueront plus tard, c’est que tant d’événements ne les avaient point éclairés ; et c’est vrai de beaucoup, esprits bornés, obtus, et pauvres cœurs.) « Ils auraient pu, puisqu’ils sont les chefs, rallier les

  1. 15 avril 1898, Comité républicain du Xe arrondissement.
  2. Conférences politiques, 21 : « Dans les réunions privées comme dans les réunions publiques, je me suis toujours exprimé ainsi… »
  3. Lyon, 3 avril 1898.
  4. Libre Parole, Intransigeant, Éclair, Aurore des 27, 28 et 30 mars.
  5. Aurore du 14 mai.