Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1903, Tome 3.djvu/581

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
575
LES IDÉES CONTRE-RÉVOLUTIONNAIRES


des Assomptionnistes, le père Picard ; ils se présentaient partout comme les délégués du Saint-Siège, les mandataires avoués et confidentiels du Pape, et les journaux catholiques les reconnaissaient pour tels. Quand Méline et Hanotaux, harcelés par les réclamations de la presse républicaine, se plaignirent enfin à Rome, le cardinal Rampolla haussa les épaules : « Ces deux moines, dit-il à l’ambassadeur, ne sont chargés d’aucune mission spéciale ; ils ont simplement recueilli de la bouche du chef de l’Église l’expression du vœu que les catholiques restent unis sur le terrain constitutionnel et sur celui des intérêts essentiels de la religion » ; prétendre le contraire, c’est « une simple manœuvre des ennemis de la bonne entente entre le gouvernement de la République et le Saint-Siège » ; cela « ne mérite même pas un démenti[1] ». Et comme l’ambassadeur signalait les manœuvres d’un prêtre, l’abbé Garnier, qui, lui aussi, se recommandait du Pape : « Voyez quelle impudence, s’écria le cardinal, « cet abbé a obtenu un simple encouragement à propos d’une lettre complètement étrangère aux élections ! D’ailleurs, contre la mauvaise foi, rien ne sert[2] ! »

D’aussi faibles démentis n’étaient point faits pour arrêter ces enragés. Chaque semaine, pendant toute cette crise de 1898, la Maison de la Bonne Presse vomit plus de 2 millions et demi de publications diverses, soit, au bout de l’année, « 130 millions de feuilles semées dans toute la France pour y porter la bonne nouvelle du Christ et mener le bon combat contre l’oppres-

  1. Lettre de l’ambassadeur de la République (25 juin 1897) au ministre des Affaires étrangères. Méline en donna lecture à la Chambre, le 21 janvier 1898, au cours de la discussion du budget des cultes.
  2. Même lettre.