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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


n’avaient plus pour défenseurs, depuis cinq mois, que les défenseurs de Dreyfus. Tous les autres y manquèrent, divisés pour le pouvoir, mais réunis contre la justice, sur la fondrière que Bourgeois appelait « le terrain national[1] ».

Le grand souci des radicaux fut toujours de se mettre à l’unisson des passions populaires (contre Gambetta, en 1881, contre Ferry, pour Boulanger), de nager avec le courant, et plus vite que lui, sans se soucier d’où venait le torrent et vers où il se précipitait. Celui-ci descendait des hauteurs romaines où s’élève le Gésu, dominant le Vatican.

Les congrégations d’hommes non autorisées, d’autant plus audacieuses, ne furent jamais plus actives que dans la préparation de ces élections générales de 1898. Elles s’étaient mises à l’œuvre avant que l’affaire Dreyfus n’éclatât ; le succès de l’opération, religieuse autant que militaire, contre le « Syndicat », les fit redoubler d’efforts. Elles sentirent que le moment décisif était venu, celui qu’on ne retrouve pas deux fois dans les révolutions, jouèrent hardiment le tout pour le tout.

Les Jésuites, à leur ordinaire, se tinrent dans l’ombre ; seul, le père Du Lac, bavard, un peu sot, grisé par le bruit, brouillonnant dans toutes les intrigues, se découvrit. Les Assomptionnistes (Pères Augustins de l’Assomption) se jetèrent, ouvertement, dans la bataille.

C’était un ordre assez nouveau, fondé vers 1850, pour

  1. « Il y a certainement un terrain sur lequel il n’est jamais besoin de faire un semblable appel : c’est le terrain patriotique, le terrain national, et M. le Président du Conseil sait bien que, sur ce point, il ne peut y avoir ni divergence ni désaccord entre nous. » (Séance du 12 mars 1898.)