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MORT DE LEMERCIER-PICARD


si Picquart se lavait des accusations portées contre lui. Ils « profitaient de l’occasion pour témoigner à leur client toute leur profonde sympathie[1] ».

Ainsi Picquart était jugé indigne de croiser l’épée, non seulement avec Henry, mais avec Esterhazy.

Il est à croire que les auteurs de cette énorme pantalonnade en attendaient un gros succès ; mais les sifflets du public les détrompèrent et ils ne s’obstinèrent pas[2]. Le soir même, Henry pria les lieutenants-colonels Parès et Boissonnet de se mettre en rapport avec les amis de Picquart, bien que « son opinion n’eût pas varié sur le fond[3] ». Il prévint, en même temps, Esterhazy qui, dès le lendemain, fit porter son cartel à Picquart, en réclamant son droit de priorité[4]. Il y renonça, toutefois, dans le courant de la journée, à la demande des témoins d’Henry, et il en fit aviser Picquart[5].

Le lendemain, à la deuxième reprise d’un vif combat à l’épée, Henry fut touché au bras[6].

  1. Lettre à Esterhazy du 3 mars, 2 heures soir. — Il convient de remarquer le soin avec lequel les témoins d’Esterhazy datent leurs lettres, destinées à la publicité.
  2. Roget dit qu’il blâma Henry d’avoir cédé son droit de priorité à Esterhazy (Cass., I, 99).
  3. Lettre aux colonels Parès et Boissonnet.
  4. Lettre de Bergougnan et Sainte-Marie à Picquart, datée « Paris, le 4 mars, 9 heures du matin. » Les témoins d’Esterhazy précisent, dans leur lettre, « qu’ils ont appris la nouvelle attitude d’Henry par les journaux du matin », c’est-à-dire vers 8 heures. Et, dès 9 heures, Esterhazy aurait eu le temps de les quérir, de les réunir, de les envoyer chez Picquart !
  5. Lettre des lieutenants-colonels Boissonnet et Parès (1 heure après-midi) aux témoins d’Esterhazy ; réponse de ceux-ci (4 heures) ; lettre de Bergougnan et de Sainte-Marie à Picquart, datée simplement du 4 mars.
  6. « À la deuxième reprise, le lieutenant colonel Henry a été atteint d’une blessure pénétrante dans la région du nerf cubital, ce qui a entraîné un engourdissement des deux derniers doigts de la main droite. » (Procès-verbal du 5 mars.) — Dans