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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


mouraient instantanément après avoir reçu un coup dans certaines régions du corps, bien que le coup eût été léger et qu’il fût impossible de trouver ni une lésion cutanée, ni même une ecchymose[1] », — ce qui était le cas de Lemercier-Picard, — et la science contemporaine a découvert la cause de ce phénomène[2]. Les petits ganglions nerveux du cœur, qui en entretiennent les mouvements, sont reliés au bulbe rachidien, sorte de renflement dans le crâne, à l’extrémité supérieure de la moelle spinale, par le nerf pneumogastrique qui gouverne aussi les mouvements respiratoires et dont le noyau constitue ce que Flourens a appelé le nœud vital. On comprend, dès lors, que « le bulbe, sous l’influence d’une irritation périphérique, puisse arrêter par l’intermédiaire de ce long cordon conducteur, qui est un nerf d’arrêt et non un nerf d’excitation, les mouvements du cœur[3] », et qu’un léger coup de poing sur le larynx ou du pied dans la région du bas-ventre suffise à donner instantanément la mort[4]. C’est la mort par inhibition, « qui survient sans agonie ni convulsions, dans le plus grand silence », mais dont la preuve échappe à l’autopsie. En effet, quand le scalpel ouvre tardivement le corps, le sang qui était resté rouge au moment de la mort, « a perdu déjà sa rutilance et est devenu noir, et les poumons ne sont pas congestionnés[5] ».

  1. Brouardel, La Pendaison, 7.
  2. Les caractères de la mort par inhibition furent déterminées par Brown-Séquard, qui en établit la théorie dans plusieurs communications à l’Académie des Sciences (1886, 1887, 1888.)
  3. Brouardel, 7 et suiv.
  4. Les régions du corps qui possèdent, d’après Brown-Séquard, la propriété de produire cet effet sont le nerf laryngé supérieur, certaines branches du trijumeau, les nerfs cutanés de la région sus et sous-hyoïdienne, de la région épigastrique, des testicules et de l’utérus.
  5. Brouardel, 8, 15.