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MORT DE LEMERCIER-PICARD


tres encore. On se demanda pourquoi les journaux de l’État-major s’obstinaient à égarer l’opinion sur des fausses pistes et à contester que l’ancien agent d’Henry eût fait partie de la police militaire[1]. On fit observer que tous ceux qui avaient vu le cadavre avaient constaté la sérénité du visage, que l’homme paraissait dormir[2], « les traits reposés[3] », alors que les pendus, dont la figure s’est déformée « en d’épouvantables grimaces[4] », retrouvent, sans doute, dans la mort, leur physionomie habituelle, « hébétude et calme[5] », mais ont, d’ordinaire, la face gonflée et turgide, et, souvent, les yeux exorbités, injectés de sang[6]. On disait, mais à tort, qu’il est impossible de se pendre à genoux[7]. On expliquait que l’escroc, bien que réduit à la misère, mais ayant diverses opérations en train, n’avait point sujet d’en finir encore avec la vie ; l’on répondait à l’objection de la porte fermée

  1. Voir p. 334, le démenti de Billot. — De même, Gonse (Cass., I, 571) et Roget (I. 639 et Rennes, I, 283 ; II. 539).
  2. Émile Berr, dans le Figaro du 7 mars 1898.
  3. Cloutier, dans l’Intransigeant du 11.
  4. Brouardel, La Pendaison, 47.
  5. Legrand du Saule, Traité de médecine légal, 537.
  6. Brouardel, 87, 88.
  7. « Il s’est pendu à genoux. » (Écho du 6 mars.) — La suspension dite incomplète n’implique pas crime. Au début de l’application du régime cellulaire, des prisonniers se pendirent dans leurs cellules, qui agenouillés, qui accroupis ou même assis ou couchés. Ils furent photographiés (collection Tardieu). Brouardel reproduit ces photographies (66 et suiv.). — La question de la pendaison incomplète fut discutée avec passion au moment de la mort du prince de Condé ; Gendrin, notamment, rejeta l’hypothèse du suicide (Mémoire médico-légal., 1831). Brouardel « n’hésite pas », au contraire, à rejeter l’hypothèse d’un crime (61, 62). « Aujourd’hui, il est parfaitement démontré qu’il n’existe pas une seule position du corps dans laquelle la mort volontaire par pendaison ne soit possible. » (Legrand du Saule, 528.)