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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


en Belgique[1]. Quel intérêt avaient ils à répandre ces mensonges ? Qui les leur avait dictés ?

Ils insinuèrent, d’autre part, sans s’arrêter à la contradiction, que le Syndicat n’était pas étranger à l’événement. Rochefort démentit que la lettre, trouvée dans le portefeuille, fût de lui. Guénée était l’ordinaire intermédiaire entre l’Écho de Paris et Henry ; le Journal affirma que la lettre était signée de mes initiales. Quand il fut avéré qu’elle l’était seulement d’un H[2], on n’en parla plus. Enfin, les imaginations s’échauffèrent sur le visiteur inconnu, « l’homme noir », qui avait causé, un matin, (l’hôtelière disait le jour même du drame) avec le prétendu Roberty[3]. Peut-être cette femme brouillait-elle les dates ; peut-être Lemercier avait-il, ce jour-là, avant de sortir, reçu une autre visite.

Le procureur de la République (Atthalin) et Bertulus eussent voulu pénétrer au mystère de l’affaire de la rue de Sèvres. Leur curiosité fut d’autant plus excitée qu’ils avaient été tardivement avertis du décès et se heurtaient à d’étranges résistances. Jamais ni Gonse, ni Henry, ni Ravary, n’avaient voulu, précédemment, fournir aucune

  1. Écho de Paris des 6, 8 et 9 mars 1898 : » Nous pouvons affirmer une fois de plus… etc. » L’Écho dit que cet ancien officier s’appelait M.....y. De même, l’Éclair, la Libre Parole, etc.
  2. Voir p. 334, note 3.
  3. C’est ce que la femme Nolot raconta aux journalistes. Elle décrivit le visiteur « comme un homme d’une trentaine d’années, vêtu correctement, la barbe noire ainsi que les cheveux. Bien qu’elle n’eût pas entendu un mot de la conversation, elle avait cru, à son attitude, qu’il avait parlé avec brutalité. » (Temps du 8 mars.) Le Matin du 10 indique, exactement, l’objet de cette visite matinale. À l’instruction, la femme Nolot et le garçon d’hôtel, Courson, mentionnèrent la visite, mais sans aucun commentaire. Le visiteur (Veil) eût voulu se nommer ; Mme de Hirsch s’y opposa. L’excellente femme, âgée et déjà malade, ne voulut pas être mêlée à cette histoire.