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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


sant dans sa haute taille, détachant chacune de ses paroles, le geste bref, les yeux dans les yeux d’Hanotaux. Il dit que Schwarzkoppen « protestait, sur l’honneur, n’avoir eu, ni directement ni indirectement, aucune relation avec Dreyfus ». Lui-même, jusqu’à ces derniers jours, il n’avait jamais entendu parler d’Esterhazy. Il n’était pas vraisemblable que le bordereau eût été trouvé dans la chancellerie de son ambassade[1]. Cela voulait dire que son ancien attaché n’avait pas reçu le bordereau, ce qui était exact.

Hanotaux convient qu’il ne mit pas en doute la sincérité de l’ambassadeur, parlant au nom de son souverain[2]. Bien plus, « s’il a eu, précédemment, l’impression que des tentatives ou des manœuvres d’espionnage ont pu avoir lieu, par les agents spéciaux, au désu des ambassadeurs[3] », l’objection, plausible hier, aujourd’hui ne résiste pas au fait brutal du rappel de Schwarzkoppen. Si Boisdeffre et Henry en ont compris la signification, elle ne lui a pas échappé[4].

  1. Cass., I, 392, Paléologue ; 644. Hanotaux. — Paléologue dépose « au nom du ministre des Affaires étrangères. »
  2. Cass., I, 392, Paléologue.
  3. Cass., I, 644, Hanotaux.
  4. Il en fait lui-même l’aveu, d’une manière indirecte, détournée, mais qui n’en est, peut-être, que plus significative. H raconte comment il fut ému, le 6 janvier 1895, par le brusque rappel de Ressman, ambassadeur d’Italie, coïncidant avec la démarche de Munster auprès de Casimir-Perier. « Ces deux faits, rapprochés, ont dû et devaient émouvoir le gouvernement » (Rennes, I. 222). En d’autres termes, le gouvernement devait croire à la parole de Munster affirmant que Schwarzkoppen n’avait pas connu Dreyfus, et interpréter le départ de Ressman comme la preuve des rapports de Panizzardi avec le condamné. En effet, Hanotaux explique un peu plus loin sa pensée : « Je dois ajouter, d’ailleurs, que le rappel de M. Ressman n’avait rien à faire avec l’affaire Dreyfus ; il s’agissait de démêlés (on l’a su plus tard) entre le président du Conseil, ou le ministre des Affaires étrangères d’alors, et M. Ressman ; à ma connaissance, le rap-