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MORT DE LEMERCIER-PICARD

À ce mot d’intellectuels, droite et centre partirent d’un grand éclat de rire[1].

Enfin, et ce fut la conclusion du discours, il ordonna aux vents de rentrer dans l’outre : « Il faut que cela cesse… » Et il insista durement, résolu, disait-il, à imposer l’apaisement à tous, aux violents de tous les partis, mais menaçant seulement les défenseurs de la justice :

Nous considérons qu’à partir de demain tous ceux qui s’obstineraient à continuer la lutte ne pourraient plus arguer de leur bonne foi ; ce serait sciemment qu’ils troubleraient la paix intérieure du pays, sciemment qu’ils nous exposeraient à des embarras à l’extérieur. Nous leur appliquerons toute la sévérité des lois ; si les armes que nous avons entre les mains ne sont pas suffisantes, nous vous en demanderons d’autres.

Le crime nouveau, que cet homme doux méditait d’introduire dans la loi, c’était le fait de demander justice pour un innocent. Et il confirmait qu’il y avait une conspiration, un complot international contre la France.

Aux antisémites, aux vengeurs enragés de « l’honneur de l’armée », il se borna à refuser « les représailles excessives et le gigantesque procès qu’ils réclamaient contre le Syndicat[2] ». Ce procès était impossible. Mais il an-

  1. « Voilà ce que malheureusement ne voit pas cette élite intellectuelle (Rires et applaudissements au centre et à droite et sur divers bancs à gauche) et qui se bouche les yeux et les oreilles. »
  2. Il ne prononça pas le mot de « Syndicat », mais un ancien ami de Boulanger, le docteur Paulin Méry, le dit pour lui : « C’est l’amnistie du Syndicat, tout simplement ! » — Ces poursuites étaient réclamées par le Petit Journal. Le Provost de Launay annonça qu’il réclamerait du Sénat une enquête sur les dépenses du « Syndicat ». Les journaux revisionnistes l’y excitèrent. Il n’en fit rien.