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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


Le programme comportait ensuite d’accompagner Rochefort à Sainte-Pélagie. Il s’était gardé de faire appel du jugement qui l’avait condamné à cinq jours de prison. Il préférait jouer au martyr, alléguant qu’il avait été condamné « par ordre[1] ». Il avait choisi ce dimanche de carnaval pour se constituer prisonnier, voulant avoir, lui aussi, sa journée et, au surplus, se mettre à l’abri pour la semaine suivante. Il excitait les troubles, n’aimait pas à y être mêlé. — En 1870, aux obsèques de Victor Noir, il s’était évanoui. — Il fut acclamé sur son trajet ; des jeunes filles, au seuil de la prison où l’attendait le préfet de police, lui offrirent des fleurs. Une partie de la garde républicaine à cheval, des escadrons de cuirassiers avaient été mobilisés pour maintenir l’ordre et parurent lui faire escorte[2]. Cependant, quelques ouvriers le huèrent, dans cette bruyante apothéose, d’un cri de Dimanche-gras : « À la chienlit ! »

Un avocat catholique et royaliste, Jules Auffray, sectaire violent, la figure en lame de couteau, glabre, le cerveau et le faciès d’un inquisiteur, avait offert ses services à l’État-Major. Il essaya d’abord de réconcilier Mme de Boulancy avec Esterhazy ; il accepta ensuite la mission de « faire la salle des assises ». Il pourvoyait de cartes d’audience les officiers qui lui étaient désignés par Gonse et par Du Paty et qui manifestaient en conscience. En bon stratège, il jugea utile de doubler les postes pendant ces dernières journées, en écrivit à

    crie : « Conspuez Reinach ! Conspuez Zola ! » On chante la Marseillaise. » (Gaulois.) La police dispersa ce commencement d’émeute.

  1. Intransigeant du 11 février 1898.
  2. « L’appareil militaire était imposant. Il ne manquait que le clergé. » (Figaro du 21.)