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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


revenu pour mettre le jury en garde contre les calomnies dont il était l’objet et qui risquaient de déconsidérer son témoignage. Ainsi le Petit Journal avait raconté qu’il était marié, divorcé, et faisait élever ses enfants en Allemagne, et il ne lui avait pas été possible d’obtenir aucune rectification. Ainsi Pellieux l’avait accusé d’avoir voulu suborner un témoin (le soldat Mulot) contre Esterhazy. Il demandait, en conséquence, que l’un ou l’autre des chefs qui l’avaient bien connu fussent appelés à dire ce qu’ils pensaient de lui, par exemple, le général de Galliffet, « mêlé glorieusement à nos victoires et glorieusement à nos tristesses », « qui ne passait pas pour être suspect d’une indulgence exagérée envers ses subordonnés », et « qui n’avait pas craint de lui serrer la main devant le conseil d’enquête[1] ». — J’avais proposé, quand Zola dressa la liste de ses témoins, que Galliffet y fût compris, précisément pour appuyer Picquart ; mais Clemenceau s’était récrié, en alléguant les souvenirs de la Commune. — Delegorgue n’eût pas été lui-même s’il eût accueilli cette demande, mais, l’instant d’après, il donna la parole à Pellieux[2] qui, toisant Picquart :

J’ai dit à une audience précédente que tout était étrange dans cette affaire ; mais ce que je trouve encore plus étrange, et je le lui dis en face, c’est l’attitude d’un Monsieur qui porte encore l’uniforme de l’armée française et qui est venu ici, à la barre, accuser trois officiers généraux d’avoir fait un faux ou de s’en être servi. Voilà ce que j’avais à dire et j’ai fini.

  1. Procès Zola, II, 164, Picquart.
  2. L’incident était prémédité. Dès le début de l’audience, Delegorgue avait dit à Labori : « N’avez-vous pas demandé une confrontation entre le colonel Picquart et le général de Pellieux ? » (II, 162.)