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LE JURY


par une récente expérience, je nommai celui qui avait fait le coup : Lemercier-Picard.

XI

Presque tous les journaux revisionnistes[1], le lendemain, arguèrent la pièce de faux. Tout le reste de la presse l’exalta comme la preuve écrasante de l’infamie de Dreyfus[2], Drumont en tête, bien qu’Esterhazy lui eût déclaré que « la pièce était un faux stupide et qu’il était absurde de l’avoir sortie[3] ». Et qu’elle parût décisive à la masse ignorante ou hallucinée, il n’y avait là rien de surprenant. Mais telle aussi elle parût à des hommes d’esprit cultivé et de savoir, qui avaient été mêlés aux grandes affaires diplomatiques ou qui avaient l’habitude de réfléchir, et, surtout, à tous les politiques. Nul ne s’étonna que deux attachés militaires, quand ils pou-

  1. Ranc, dans le Radical, Guinaudeau dans l’Aurore, Séverine dans la Fronde, Pierre Bertrand dans les Droits de l’homme. Dans la Petite République, Jaurès dit « qu’il n’a pas à se prononcer à cette heure sur la valeur du document », mais il rappelle les papiers Norton. Le 20 février, dans la Lanterne, il dit que la pièce est « ridicule » et « inepte ». — Monod écrivit à Hanotaux que la pièce était un faux stupide et le supplia d’agir.
  2. Libre Parole, Autorité, Éclair, Écho, etc. — L’article de Cornély : « Affaire à classer », n’est pas dénué d’ironie. « Au début, l’hésitation a pu être permise. » Il est certain aujourd’hui que « Dreyfus était bien un traître. Il ne viendra à l’idée de personne que MM. les généraux de Boisdeffre, Mercier, Gonse et de Pellieux soient des témoins incompétents, mal informés, capables d’un concert épouvantable dans le but de maintenir un innocent dans les tortures. Il ne viendra non plus à l’idée de personne que le général Billot ait menti six fois à la tribune et se soit déshonoré six fois. »
  3. Dép. à Londres, 26 février 1900.