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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


conque du xiiie siècle, qui prenait un plaisir extrême, sans avoir l’air d’y toucher, à convaincre les sots de sottise, et qui était très fermement résolu, puisqu’il était entré dans cette aventure, à défendre jusqu’au bout la vérité et le bon sens.[1]

Il feignit, non sans malice, d’accepter que les fac-similés du bordereau pussent n’y pas ressembler, comme l’avait prétendu Pellieux, et il lui demanda simplement d’expliquer comment on avait pu publier, en 1896, d’après une photographie qui datait de 1894, ce fac-similé, et comment cette photographie ressemblait, de façon si effrayante, à l’écriture d’Esterhazy, dont le nom n’avait pas encore été prononcé[2].

Pellieux, désarçonné, se fâcha. Il grogna que « c’était affaire aux experts de dire pourquoi, à l’unanimité, ils avaient refusé d’attribuer le bordereau à Esterhazy » ; qu’il voudrait bien qu’on pût les entendre, mais que cela ne dépendait pas de lui ; et d’ailleurs, qu’il était « sur la brèche depuis trois mois » et qu’il en avait assez[3]. Il s’en alla, laissant Couard aux

  1. Un des agents d’Henry, peut-être Henry lui-même, essaya, peu de temps après la première déposition de Paul Meyer, de l’intimider. Un inconnu, la mine d’un officier, aborda, au parc Monceau, une dame R…, qui avait été en relations autrefois avec Paul Meyer, et lui conseilla d’engager le directeur de l’École des Chartes à être prudent. On savait, en haut lieu, qu’il avait tué sa première femme (qui était morte d’une maladie cruelle dans une maison de santé), etc. Mme R… vit, plus tard, une photographie d’Henry et crut reconnaître son interlocuteur. Elle était veuve d’un commissaire de police qui avait fréquenté Henry.
  2. Procès Zola, II, 44, Paul Meyer.
  3. Labori le piqua en lui disant qu’ils allaient se trouver d’accord : « Nous sortirons bras dessus bras dessous, en reconnaissant qu’une erreur a été commise, et qu’il faut ramener la paix dans les esprits en jugeant de nouveau et conformément à la loi. »