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LE JURY


il l’exposait, quelque complexe qu’elle fût, paraissait quelque chose de clair et de net. Il ne chicanait pas, mais démontrait. Tout chez lui était juste et sonnait juste. Nulle véhémence théâtrale, mais beaucoup de vivacité naturelle. Alerte et preste, il ne frappait pas avec la lourde massue des mots, mais avec le fer aigu et tranchant de la raison.

Pour Zola, plus la tempête croissait en violence, plus il devenait calme. Les cris de mort, qui l’accueillaient à chacune de ses sorties et l’accompagnaient jusqu’à sa maison, ne troublèrent pas une fois ni son tranquille courage ni celui de sa femme, qui avait voulu sa part entière au danger et à cette lutte terrible. Au contraire, sa pitié s’en accrut pour la foule trompée, pour ce grand peuple en folie. À l’audience, il s’était imposé maintenant de ne plus intervenir, et se contentait d’écouter, impassible, attentif seulement à saisir au passage une parcelle de vérité. C’était très beau.

VII

L’État-Major n’avait qu’un danger réel : la discussion. Tant qu’il ne s’agissait que d’affirmer, rien de mieux. Pellieux, n’ayant personne devant lui, chargeant dans le vide, acclamé comme s’il eût rapporté les clefs de Strasbourg, avait triomphé avant de vaincre.

Le directeur de l’École des Chartes, Paul Meyer, était un esprit très fin, un peu sceptique, sans parti pris dans cette affaire comme dans aucune autre, qui avait examiné le bordereau comme un manuscrit quel-