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LE SYNDICAT


plusieurs reprises, avec des détails, pour qu’il la colportât dans ses journaux[1].

Billot, d’abord, ne comprit pas d’où venait le coup, pourquoi ces mêmes gens lui faisaient un crime d’avoir ordonné une enquête et à Esterhazy un titre d’honneur de l’avoir réclamée. Bientôt, une indiscrétion l’édifia. Rochefort raconta la visite qu’il avait reçue d’un officier supérieur, mais sans le nommer, sinon dans des conversations particulières[2]. Selon le sort commun des secrets, le nom de Pauffin ne tarda pas à être imprimé : il avait parlé au nom du général de Boisdeffre lui-même ; quel contraste entre « la courageuse initiative du chef de l’État-Major et l’hésitation équivoque du ministre[3] » !

Ainsi, Boisdeffre avait traité avec l’Intransigeant, et c’était au lendemain de la visite de Pauffin que Rochefort, commentant ces confidences, avait écrit : « Dans cette sale affaire, il y a, au moins, deux traîtres : Dreyfus, qui a livré la France à l’Allemagne ; Billot, qui trahit ouvertement l’armée dont l’honneur lui est confié. » Il avait exprimé aussi le regret qu’Esterhazy n’eût pas souffleté « cette venimeuse baderne[4] ».

Encore mal habitués aux coups de cravache de l’État-Major, des députés, plusieurs sénateurs, firent des observations à Méline. Est-ce l’impartiale enquête qui a été promise, qui peut, seule, mettre un terme au trouble des esprits ? Que devient la discipline si le chef de l’État-Major général fait injurier par la presse le ministre

  1. Dép. à Londres, 5 mars 1900.
  2. Jour antidaté du 18 novembre 1897, Patrie, etc.
  3. Presse (antidatée du 18).
  4. Intransigeant (antidaté) du 17. — Rochefort, dans un flot d’injures, dénonçait encore Billot comme le complice de « l’encagé de l’île du Diable », de « Kestner dit Moule à gifles », et de « Reinach, dit Boule-de-Juif. Cette culotte de peau a un derrière à la place du cœur. »