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LE PROCÈS ZOLA


commis par Henry, s’était contenté d’observer aux deux colonels, « d’un ton bonhomme[1] » : « Vous êtes en désaccord tous les deux[2]. »

XVII

Henry avait compté que le tumulte, la rixe, le duel inévitable, après un pareil scandale, mettraient fin aux débats. Au contraire, l’avocat général resta muet, comme figé dans son fauteuil, et les avocats reprirent, avec une ténacité excitée, leurs questions.

La brusque explosion de Picquart avait également déconcerté Henry et Gonse. Habitués à abuser, pour leur compte, de la force et à ne respecter qu’elle, toute manifestation d’énergie intimide les militaires. Aussi la riposte d’Henry parut faible : « Sandherr n’a légué aucune consigne aux officiers du bureau ; chacun travaillait pour son compte, isolément, selon sa conscience, dans l’intérêt de la patrie ; pour lui, sur tout ce qu’il a de plus sacré au monde, il affirme qu’il n’a jamais vu le petit bleu dans les papiers et il était seul à les recevoir[3]. » Et Gonse, tout à fait décontenancé, geignit : « Il n’y a jamais eu de machination à L’État-Major. Si Picquart a été envoyé en mission, c’est qu’on cherchait à le distraire de sa prétendue découverte, à rectifier son jugement, et, nullement, pour le faire tuer par les nomades. » Il se plaignit qu’un journal, à ce propos, l’eût

  1. Bonnamour, 93.
  2. Procès Zola, I, 363.
  3. Ibid., I, 366, Henry.