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LE PROCÈS ZOLA


discours. Ils avaient, selon une forte parole[1], « le don respectable de la haine ». Leur haine ne s’endormit jamais.

Maintenant, retournons à la cour d’assises et racontons ce qui s’y passa le même jour.

XVI

Henry, malade le 11, s’était ressaisi. Pourtant, par prudence, il se dit encore soufrant, mais il ne demanda que « la permission de s’appuyer à la barre ».

Les journalistes de l’État-Major le regardaient avec admiration : « Son visage est ouvert comme un livre. Vous y lisez ces grandes vertus des forts : la patience et la franchise. Fort et doux, mais dans les yeux on voit poindre une lueur d’orage[2]. »

Dès les premiers mots de la confrontation, il s’embourba. Il avait commencé par « jurer » qu’ayant surpris Picquart avec Leblois, le dossier secret entre eux, d’où sortait la pièce Canaille de D…, il en avait averti Gonse, « quelques jours après », lui conseillant de reprendre le dossier, ce que le général fit le surlendemain. Mais Picquart, très maître de soi, et le regardant fixement, dit que Leblois était rentré à Paris le 7 novembre, que Gonse avait repris le dossier le 30 octobre et que, dès lors, rien ne pouvait subsister des allégations d’Henry. Et, comme Leblois, qu’Henry, d’une grosse malice, cherchait à mettre en opposition avec Picquart, le confirma,

  1. De Mommsen.
  2. Bonnamour, 92.