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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


lot », », « la faiblesse » du ministère, la veulerie de Félix Faure ; et il expédia son télégramme en clair, selon un procédé connu, pour que le Gouvernement, qui prend connaissance de toutes les dépêches politiques, fût le premier informé que la patience des tyrans de l’opinion était à bout[1].

Déroulède, jusqu’alors, s’était tenu à l’écart de l’Affaire. Après avoir fait son devoir, comme tant d’autres qui s’en targuèrent moins, pendant la guerre[2], et sonné ensuite, dans ses Chants du soldat, Tyrtée incorrect mais entraînant, le clairon de la revanche, il tenait depuis quinze ans boutique de patriotisme, et, tout en

  1. Cette dépêche du 12 février 1898 fut publiée, le 13, par la Libre Parole, sous ce titre : « Paul Déroulède ; dépêche interceptée. » Comme la Libre Parole publia, en même temps, la réponse de Déroulède, le mot intercepté signifiait que la dépêche avait été lue, comprise par le Gouvernement. Elle était ainsi conçue : « L’attitude de Billot est entièrement louche : il a permis à Picquart de déposer en uniforme, malgré l’avis du conseil d’enquête. Celle de Milliard est étrangement suspecte. L’irritation contre la faiblesse du Gouvernement augmente dans tous les milieux, même parlementaires. Une crise ministérielle prochaine ne paraît pas impossible. Le Président de la République aurait actuellement un grand rôle à jouer. Mais son indifférence devant tant de tristes scandales étonne tous les patriotes. On annonce une interpellation d’Ernest Roche (sur les relations de Billot avec Mathieu Dreyfus). Peut-être interviendrai-je ? Je suis profondément attristé de voir l’inertie du Gouvernement, qui ne comprend pas le parti à tirer du mouvement de colère patriotique qui anime tout le peuple. »
  2. Il s’engagea, ainsi que son frère André, au début de la guerre, et fut fait prisonnier à Sedan. S’étant échappé, il fit la campagne de l’Est et, plus tard, la campagne de Paris contre la Commune. Le Militær-Wochenblatt du 22 décembre 1870 le cite (n° 189, p. 1203) parmi les officiers qui, s’étant engagés sur l’honneur à ne plus prendre les armes contre l’Allemagne, ont manqué à leur parole : « Sous-lieutenant Déroulède, du 16e bataillon de la garde mobile à Breslau ». Le général Thibaudin figure sur la même liste. — Déroulède affirme qu’il s’était seulement engagé, après Sedan, « à se mettre à la