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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


tèle militaire) et réclamait l’arrestation, en bloc, du Syndicat. Il y croyait, ou feignait d’y croire[1]. Pour en finir avec cette entreprise scélérate, il suffisait d’envoyer une douzaine d’individus à Mazas. Il l’eût fait comme il le disait[2].

Cette propagande enragée de Cavaignac fut décisive ; il savait comme pas un l’art subtil de « travailler » les couloirs. Presque tous les radicaux vinrent à lui. Ils s’étaient fort diminués pendant leur passage au pouvoir, cherchaient un programme[3] : le patriotisme adjectival leur en tiendra lieu. Ils avaient la haine des congrégations et glissèrent à leur piège.

Cavaignac ne connaissait pas Du Lac, seulement Boisdeffre ; mais, par Boisdeffre, c’était le Jésuite qui le faisait parler.

Albert de Mun, à droite, était un autre porte-parole des Jésuites, mais conscient : il était l’intime ami de Du Lac, en correspondance suivie avec lui, le visitant souvent dans sa cellule, l’interprète éloquent de la politique du Gésu à la tribune. Il l’habillait d’une éloquence harmonieuse et qui semblait généreuse, comme le chrysocale paraît de l’or.

Drumont, souvent, l’avait malmené pour ses relations avec la haute banque juive ; mais, avalant l’injure, l’héritier de Montalembert s’était réconcilié avec le successeur de Marat.

Toute la droite catholique, monarchistes impénitents

  1. Il dira, plus tard, à Du Paty : « Le Syndicat se brisera, contre moi, Cavaignac, comme contre ce mur. » (Instr. Tavernier, 13 juillet 1899.)
  2. Il le proposera, l’année d’après, à Brisson.
  3. C’est ce que Waldeck-Rousseau leur avait dit, à Reims, le 24 octobre 1897, dans un discours qui fit grand bruit : « Le radicalisme a tellement perdu sa raison d’être, qu’il ne paraît même pas avoir gardé la mémoire de son programme. »