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LE PROCÈS ZOLA


pourquoi avoir laissé s’engager le débat sur toutes ces histoires de dossiers, de photographies ? De quoi Zola est-il accusé ? D’avoir dit que le conseil de guerre a acquitté Esterhazy par ordre ? Et l’on n’en a pas parlé encore !

Pellieux, au début de la cinquième audience, s’en plaignit.

De s’être entendu parler une fois en public, il avait senti sa force. Il était décidé à en user, et pour sa propre gloire, et dans l’intérêt de la vérité, puisqu’il ne doutait pas du crime de Dreyfus.

Les chefs de l’État-major n’ont pas de plus dangereux ami que ce soldat ambitieux et sincère.

Pellieux, comme Cavaignac, s’était étonné que Billot, puisque le crime de Dreyfus était démontré, n’eût pas repoussé, avec mépris, la dénonciation de Mathieu. Pourquoi tant de concessions au Syndicat ? Pellieux, puis Ravary, ont proposé de rendre en faveur d’Esterhazy des ordonnances de non-lieu. Pourquoi Saussier, Billot ont-ils exigé qu’Esterhazy passât en conseil de guerre ?

Sa bonne foi éclate encore, quand il convient que « le conseil de guerre n’a pas eu à juger un accusé[1] » et qu’Esterhazy, muni de deux propositions de non-lieu, était d’avance innocenté. Cependant, les juges du conseil de guerre ont voulu des débats complets ; bien plus, malgré le ministre, ils se sont refusés à prononcer le huis clos total. Et c’est de tels hommes que Zola traite en criminels, ces officiers indépendants et loyaux, « dont plusieurs ont versé leur sang sur le champ de bataille pendant que d’autres étaient on ne sait où ! »

D’ailleurs, les preuves du crime de Dreyfus abondent,

  1. Procès Zola, I, 266, Pellieux.
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