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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


Zola insista. « Un dossier secret, c’était un dossier secret », répliqua obstinément Henry. — « C’était le dossier de l’affaire Dreyfus ? — Non ! dit Henry, le dossier Dreyfus est sous scellés depuis 1895. » Il sous-entendait : le dossier judiciaire. On n’y comprenait plus rien.

Mais il se tira moins aisément d’affaire avec Leblois qui, pressant, agile, excité par la lutte, l’accula. Henry avait repris sa vieille accusation au sujet des dossiers de l’affaire Boulot et des pigeons voyageurs. Leblois riposta qu’Henry lui-même avait conféré avec lui d’une affaire d’espionnage, cette même affaire Boulot. Henry s’enfonça en d’épaisses arguties. Il a causé, mais non « conféré » avec Leblois. Et nullement de questions d’espionnage. « Je n’en avais pas besoin puisque j’étais au courant ! » Il niait avoir vu Leblois dans son cabinet ; Leblois le lui décrivit. « Alors, c’est que Leblois est venu dans mon cabinet quand je n’y étais pas[1]. »

Il s’embourba tellement que Gonse, sur un signe qu’il lui fit, intervint : « Le colonel Henry est extrêmement souffrant ; il a fait un grand effort pour venir ici ; je demande à la Cour de l’autoriser à se retirer ! » Ce qui fut accordé.

On remarqua l’accent qu’Henry avait mis au nom de Picquart, chaque fois qu’il le prononça.

XI

Les choses tournaient mal pour l’État-Major. Dès qu’on pressait sur une allégation quelconque des témoins militaires, il en sortait un mensonge. Aussi,

  1. Procès Zola, I, 216 à 232, Henry.