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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS

VII

Ce fut ensuite le tour de Mercier. Les avocats avaient projeté de lui faire confesser la communication des pièces secrètes. C’eût été l’annulation certaine du jugement de Dreyfus. Mercier ne voulut ni avouer ni se parjurer.

Il y réussit, et sans mentir autrement qu’à la jésuite.

Labori, renseigné inexactement, avait décrit ainsi le document libérateur : « Une pièce dont le post-scriptum commence par ces mots : Cette canaille de D… » Mercier répondit que cette pièce lui était inconnue ; la phrase sur Ce canaille de D… se trouve, en effet, dans le contexte de la lettre de Schwarzkoppen à Panizzardi. Puis, retranché derrière l’arrêt de la Cour qui avait défendu de parler de Dreyfus, hors d’atteinte sur ce terrain où il donnera, lui soldat, à ces robins, l’exemple du respect qui est dû aux décisions de la justice, il nia « qu’il se fût vanté d’avoir fait communiquer des pièces secrètes au conseil de guerre » ; sur le fait même de la communication, il refuse de répondre.

Seulement, l’instant d’après, cette même décision de la Cour qu’il a invoquée, il l’enfreint par un coup d’audace : « Je n’ai pas à revenir sur le procès Dreyfus ; mais, si j’avais à y revenir, puisqu’on me demande ma parole de soldat, ce serait pour dire que Dreyfus était un traître, qui a été justement et légalement condamné[1]. »

  1. Procès Zola, I, 171, Mercier. — Il dit encore, ce qui était exact, qu’il était étranger « aux renseignements faux ou vrais, publiés en 1896 par l’Éclair » et que les révélations de la Libre