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LE PROCÈS ZOLA


Le bordereau, annoté par l’Empereur allemand, recopié par Esterhazy, c’était l’argument suprême, mais qui n’était fait que pour l’ombre ; Boisdeffre, Gonse, dès qu’on en parlait publiquement, s’épouvantaient. C’est pourquoi Esterhazy le brandissait de temps à autre : « Couvrez-moi, défendez-moi, ou je révèle le plus stupide, le plus impudent des faux. » Cette preuve frauduleuse de son innocence était devenue ainsi, entre ses mains, le plus redoutable des instruments de chantage. Il l’appelait, à bon droit, « la garde impériale ». Dès qu’il menaçait de la faire donner, les chefs capitulaient. Henry, tout à l’heure, viendra à la rescousse.

VI

Les généraux, les officiers du service des renseignements défilèrent à la barre pendant quatre audiences[1].

D’abord, Boisdeffre, en uniforme, avec la plaque de la Légion d’honneur. C’est le droit de ces officiers de

    la Cour de cassation « qu’Esterhazy, à la Libre Parole, s’était moqué des experts du bordereau ; il disait, car mes souvenirs sont imprécis, ou bien : « Le bordereau a été calqué par moi sur l’original écrit par Dreyfus », ou bien : « Dreyfus a écrit le bordereau sur papier pelure en décalquant des mots pris dans mon écriture. » Cass., I, 737.) C’est évidemment le premier propos qui a été tenu ; l’autre phrase, c’est la théorie même des experts dont Esterhazy se moquait. — Billot écrivit au Président de la Cour de cassation qu’il « n’avait jamais remis ni fait remettre un centime à Esterhazy. Si une somme d’argent quelconque lui a été remise ou offerte, c’est à mon insu et contre ma volonté. » (Cass., I, 554.)

  1. 9, 10, 11, 12 février 1898.
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