Les manifestation se prolongeaient dans la nuit. Tantôt Guérin et ses tape-durs se contentaient de brailler, pendant des heures, sur les boulevards, devant les bureaux de la Libre Parole et de faire des autodafés de journaux[1] ; tantôt ils cassaient les vitres de magasins tenus par des juifs et, même, envahissaient des ateliers, brisaient des machines, des métiers à tisser, blessaient des ouvrières[2].
Il n’était question, dans le journal de Drumont, que de la noble colère du peuple qui eût voulu jeter tous les juifs à l’eau ou, mieux encore, les rôtir[3]. L’idée, cent fois évoquée du meurtre, finit par le provoquer ; l’acte est une pensée, moins encore : une phrase qui se concrète.
À Alger, un journal imprima cette phrase : « Une truie juive vient de mettre bas deux pourceaux[4] ». La même semaine, une bande de jeunes antisémites en gaieté rencontra une juive enceinte ; ils la mirent nue et l’inondèrent d’urine[5].
Paris, la France avaient perdu l’habitude des émeutes. Celles-ci furent remarquables par une brutalité de bêtes déchaînées. Payé ou non, l’homme sauvage, le Yahou, reparaît vite. L’alcool opérait. Cinquante ans après
- ↑ Ils dansaient autour de ces bûchers en chantant un refrain obscène : « Zola est un gros cochon. — Quand on l’attrapera, nous le flamberons. » (Libre Parole du 9 février 1898.)
- ↑ Le 11 février, au faubourg Saint-Antoine, ils saccagent les ateliers d’un commerçant juif, blessent les gardiens : un autre jour, ils envahissent la boutique d’un libraire alsacien qu’ils prennent pour un juif. Mêmes scènes rue des Blancs-Manteaux, boulevard de Sébastopol, etc… Temps, Matin, etc.)
- ↑ Libre Parole du 12 février : « Pourtant, ça doit sentir bigrement mauvais, le youpin grillé… Les sales juifs, épouvantés, se plaquaient contre les murs, tels des punaises. » — De même la Croix, le Pèlerin, la Gazette de France, etc.
- ↑ Silhouette du 31 janvier.
- ↑ Rapport du commissaire de police d’Alger.