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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


l’assignation, Boisdeffre, et Billot avec lui, le trouvaient encore trop large. Ils avaient décidé, en dernier lieu, que tous les témoins militaires, à l’exception de Gonse, Pellieux, Gribelin et Lauth, ne répondraient pas à l’appel de leur nom et s’excuseraient par lettres. Les uns invoqueront le secret professionnel, — ils en savent trop ; — les autres allégueront qu’ils sont étrangers aux faits retenus par la citation ; ils ne savent rien.

Billot était le principal accusé. Si le conseil de guerre a acquitté Esterhazy « par ordre », l’ordre émane de lui. En conséquence, le garde des Sceaux, Milliard, informa l’avocat général que « le ministre de la Guerre n’avait pas été autorisé à déférer à la citation » de Zola. Billot, à son tour, « autorisa Mercier à ne pas comparaître ».

Boisdeffre écrivit à Delegorgue « qu’il n’avait été aucunement mêlé à l’instruction du procès Esterhazy ; ce procès a dépendu, uniquement, du gouverneur militaire de Paris » ; il n’a donc rien à faire au Palais de Justice.

Défaillants encore d’Ormescheville, les juges de 1894, Lebrun-Renaud, Du Paty, Ravary, Valecalle, Henry, en mission.

Esterhazy, dans une lettre cavalière, le prit de très haut : « Cité à la requête d’un simple particulier, il estime qu’il n’a pas à répondre[1] ».

La défense avait renoncé à la déposition des juges qui l’avaient acquitté.

Le public, désappointé par cette grève de témoins, les jurés, qu’on semblait dédaigner, s’étonnèrent que

  1. Cette lettre d’Esterhazy fut lue seulement à la seconde audience, le 8 février. Labori n’insista pas pour qu’Esterhazy fût réassigné, mais Albert Clemenceau fut d’un autre avis : « Et s’il ne répondait pas, je demanderai à la Cour qu’il fût amené devant elle par la force armée. » La Cour accepta les conclusions de la défense.