au type calmouk, les traits énergiques, les yeux vifs et pénétrants, qui promettaient la bataille.
Jamais foule plus nombreuse, agitée de plus de passions, n’avait envahi la salle des assises. Les avocats s’y entassaient, quelques-uns grimpés sur les hautes cloisons qui entourent l’enceinte réservée et sur les entablements des fenêtres ; et, mêlés à eux, pressés à étouffer, dans l’émotion du spectacle qui absorbait l’attention du monde, des femmes élégantes, des journalistes, des officiers, des oisifs, des comédiens, le « Tout-Paris des premières ».
À côté, dans les couloirs, et dans la salle qui leur était affectée, les témoins de Zola, en deux camps tranchés, les officiers d’un côté, de l’autre les « intellectuels » et Picquart. Entre eux rôdait, comme un loup maigre, Esterhazy en civil, « portant le crime sur sa figure[1] ».
Les officiers s’écartèrent de lui ; aucun ne lui serra la main[2]. Il se rabattit sur Gribelin. Aussitôt, Gonse dépêcha Lauth à l’archiviste : « Le général vous prie de ne pas parler au commandant Esterhazy[3]. »
Scheurer salua Lucie Dreyfus, lui présenta Picquart : « Vous devez, lui dit-elle, bien souffrir. — Non ! Madame, j’ai souffert pendant de longs mois, alors que je me taisais. Maintenant, je vois poindre la lumière, et j’en suis heureux[4]. »
Au dehors, les bandes que Guérin avait formées et traînait après lui, occupaient les abords du Palais, huant ou acclamant tour à tour.