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CHAPITRE VI

LE PROCÈS DE ZOLA

I

Le matin du 7 février, Anatole France et le philosophe Séailles, deux des témoins de Zola, déjeunèrent ensemble. Séailles dit à son ami ce qu’il se proposait de déclarer : que la justice est intangible ; qu’elle ne peut être sacrifiée ni à la passion ni à l’intérêt, de quelque nom qu’on les décore ; que le patriotisme ne consiste pas à s’obstiner dans une douloureuse erreur. « Et si, continua-t-il, le président me reproche de tenir un langage séditieux : « Après ce que vous venez de dire, oserez-vous expliquer le Phédon à vos élèves ? — C’est précisément pour cela, lui répondrai-je, que je serai qualifié à leur en faire comprendre les beautés. »

Puis, ils se rendirent au Palais de Justice, fendant, avec peine, une foule compacte et déjà bruyante.

Le Phédon était très loin de la pensée du magistrat qui avait été désigné pour présider les assises.

C’était un gros homme rond, nommé Delegorgue, que nous avons déjà vu au procès de Morès, qui n’était pas méchant et ne manquait ni de sens ni d’esprit, mais