Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1903, Tome 3.djvu/334

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
328
HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


de la Guerre un ami ou un client, mais pour plaider la cause de la justice, cette dame voilée ».

Poincaré et Bourgeois prononcèrent, en province, deux grands discours[1].

L’ancien ministre radical dénonça « la campagne qui attristait tous les bons Français », renchérit sur « son ami Cavaignac » : « Le Gouvernement n’a pas montré la netteté d’attitude nécessaire… Il faut mettre l’armée en dehors, et au-dessus de toute discussion… » — Il eût pu aider à dissiper la douloureuse équivoque, créée par les protecteurs d’Esterhazy, exploitée par les ennemis de la République ; il l’accepte, au contraire, et l’entretient. — L’ancien ministre modéré (il avait été le collègue de Mercier en 1894) traita « d’agitation superficielle » cette grande crise morale ; ce n’était même pas une « crise de nerfs[2] ».

« Ainsi vont les chefs de parti, s’écria Clemenceau, suivant moutonnement les foules qu’ils prétendent conduire. Qui osera te dire la vérité sur toi-même, ô peuple souverain, plus adulé, plus caressé, plus mystifié que les monarques, tes prédécesseurs[3] ! »

Brisson, du moins, protesta, dans une réunion maçonnique, contre le déchaînement des passions religieuses ; mais il resta encore dans le vague des doctrines et des métaphores :

  1. Le 30 Janvier 1898 : Bourgeois à Royat, Poincaré à Limoges.
  2. « Vous avez pu lire les mots qu’un de mes collègues de la Chambre a dits récemment au célèbre romancier italien d’Annunzio : « En rendant visite à la France, vous avez cru venir voir une jolie femme ; vous la trouvez dans une crise de nerfs. » Le trait, par bonheur, n’est pas tout à fait exact. Sous les agitations superficielles… etc. ».
  3. Aurore du 2 février. — Ranc, dans le Matin du 1er février. Guyot dans le Siècle, ne furent pas moins sévères.