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LA DÉCLARATION DE BULOW

Picquart, dès que l’audience fut ouverte[1], s’aperçut de la fraude. Il demanda qu’on montrât à Leblois le dossier versé au débat ; Leblois déclara ne pas le reconnaître et fit, avec beaucoup de précision, la description de l’autre dossier. Il demanda ensuite qu’on fit décrire par Gribelin cet autre dossier ; l’archiviste en fit une description identique, tout en jurant que cette liasse n’était jamais sortie de son armoire[2].

Il eût détruit, de même, les autres accusations s’il avait pu obtenir la confrontation de Leblois avec Gribelin, Lauth et Henry. Mais le général de Saint-Germain allégua le règlement des conseils d’enquête qui prescrit, en effet, que les témoins seront entendus séparément.

Henry, Gribelin et Lauth répétèrent les dépositions qu’ils avaient déjà faites devant Pellieux et Ravary, avec de légères variantes et sans apparente acrimonie.

Gonse, au contraire, fut agressif. Il dit notamment que l’ancien chef du service des renseignements avait commis, en 1896, de graves indiscrétions et qu’au lieu de l’envoyer en Tunisie, il eût fallu le relever de ses fonctions[3].

Galliffet s’était offert à déposer en faveur de Picquart. Il le fit avec crânerie. Il dit qu’il l’avait eu sous ses ordres pendant cinq ans et l’avait fort apprécié : « S’il a commis une faute, je suis profondément convaincu qu’on ne peut l’attribuer qu’à une fausse conception de ses devoirs et de ses droits. Indigné des accusations dont il a été l’objet dans la presse et dans le rapport de Ravary, je n’ai pas hésité à lui écrire que j’étais tout disposé à me faire son défenseur devant le conseil d’enquête et

  1. 1er février 1898.
  2. Cass., I, 209, Picquart.
  3. Ibid., II, 155, 156, 157, etc. (Conseil d’Enquête.)