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LA DÉCLARATION DE BULOW

VII

Comment empêcher la justice ? C’était, depuis quatre ans, dans cette affaire, toute la pensée de l’État-Major. Depuis que le procès était annoncé, le gendre du ministre de la guerre, Wattine, substitut du procureur de la République, et Thévenet, l’un de ses officiers d’ordonnance, allaient fréquemment chez Tézenas et se concertaient avec lui[1]. Et Du Paty s’y rendait également, « pour garder le contact avec Esterhazy[2] », envoyé par Gonse qui rendait compte à Boisdeffre.

Zola avait cité, comme témoins, les chefs de l’État-Major et tous les officiers du bureau des renseignements, non seulement Picquart, mais tous les accusateurs de Dreyfus, ceux-ci pour être confondus par celui-là.

Cette perspective épouvanta Boisdeffre. Il déclara à Billot que le devoir du ministre de la Guerre, représentant de l’armée, était de se présenter seul à la barre ; tous les autres chefs, généraux et officiers subalternes, recevraient du ministre lui-même l’ordre de ne pas comparaître[3]. Il fit annoncer par Rochefort, pensant forcer la main à Billot, qu’il en était décidé ainsi : « Les officiers ont reçu une instruction formelle de l’autorité militaire de ne pas répondre à la citation[4]. »

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  1. Cass., I, 587, Esterhazy.
  2. Cass., I, 454, Du Paty. Il raconte que Gonse lui donna, un jour, pour Tézenas, une note « à faire passer dans la presse », mais qu’il la garda. Gonse convient qu’il envoya Du Paty chez Tézenas (Cass., II, 198 ; Rennes, II, 161) ; mais il n’a aucun souvenir de « l’article ». (II, 199.)
  3. Ce plan fut discuté dans tous les journaux. (Lanterne du 26 janvier 1898, Gaulois du 30, Libre Parole du 1er février, etc.)
  4. Intransigeant du 25 janvier.