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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


Trois cents républicains éclatèrent en applaudissements.

Il y avait, avec plus de sottise, plus de probité intellectuelle chez Cavaignac. Sil était sans critique, du moins essayait-il de fonder ses croyances sur les faits.

Maintenant, Méline se lance dans un réquisitoire contre les promoteurs de la Revision, et d’une telle virulence, avec des mots si acerbes, qu’amis et adversaires, il étonne tout le monde. On le savait déjà un autre homme que, longtemps, on l’avait cru, quand on l’appelait le « doux » Méline. Nul ne lui supposait tant d’âpreté. Il s’acharna contre Zola, reprenant, mais avec son autorité, les lieux communs de la presse : « On n’a pas le droit de vouer au mépris les chefs de l’armée. C’est par de pareils moyens qu’on prépare de nouvelles éditions de la Débâcle ! » Est-il, n’est-il pas sincère, quand il s’écrie : « Les experts, eux-mêmes, n’ont pas trouvé grâce devant Zola. » Et, tout en colère qu’il paraisse, il reste subtil : « Pourquoi nous ne poursuivons pas tout l’article ? Je ne suis pas embarrassé pour le dire : Parce que l’honneur de nos généraux d’armée n’a nul besoin d’être soumis à l’appréciation du jury, parce qu’il est au-dessus de tout soupçon ! » — Quoi ! deux catégories d’honneur dans l’armée : l’honneur insoupçonnable de Mercier et de Boisdeffre ; et l’honneur, sujet à caution, des moindres chefs, des juges militaires qui ont acquitté Esterhazy, de Luxer, de Bougon ! — « Et pourquoi nous ne poursuivons pas l’outrage aux juges de Dreyfus ? Parce que nous n’avons pas voulu permettre qu’on introduisît, indirectement, en dehors de la loi, un procès en revision ! » Dérision amère

    le mal vient du libre examen. C’est le libre examen qui ôte aux peuples le bon Dieux et finit par les ruiner. » (Croix du 1er juillet 1902.)