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LA DÉCLARATION DE BULOW


furieux de tous, de ceux qui jouaient la comédie de la colère.

Il laissa Cavaignac reprendre, d’un ton hargneux, son thème familier. Enfin renseigné, l’ancien ministre radical dit, qu’il n’y avait pas un seul, mais deux documents qui attestaient les aveux de Dreyfus : une lettre du général Gonse, du 6 janvier 1895 ; une déclaration, « signée plus tard », de Lebrun-Renaud.

« Pourquoi Méline, Billot, s’obstinent-ils à s’en taire si quelque cause inexplicable ne les retient pas ? » Il appartient à la Chambre de « briser les liens qui entravent l’action du Gouvernement ».

Méline, du premier mot, eut gain de cause. Cavaignac s’était gardé de donner la date, trop récente, de l’imposture qui avait été arrachée à Lebrun-Renaud. Méline, d’une équivoque frauduleuse, qui porta d’autant plus, précisa : « La déclaration du capitaine Lebrun-Renaud, recueillie le jour même de l’exécution du jugement de Dreyfus… » Puis : « Je reconnais, et tout le monde le sait, que cette déclaration existe. »

La Chambre n’en demandait pas davantage : donc, Dreyfus a avoué ; donc, le jour même de la dégradation, Lebrun-Renaud a recueilli ses aveux.

Et, comme beaucoup avaient trouvé faible et trop peu fier, l’argument diplomatique qu’il avait récemment invoqué pour ne rien publier, il en donna un autre qui témoignait chez lui d’une profonde connaissance de ces âmes apeurées devant le vrai trop dur à supporter : « Il n’est pas douteux que, si cette déclaration était lue à la tribune elle serait discutée, car tout est discuté dans cette affaire ! »

Toute la mentalité catholique est là : ne pas discuter, croire. L’esprit du mal, c’est l’esprit d’examen[1].

  1. « Le libre examen est la peste qui corrompt tout, qui dissout la hiérarchie, qui empêche que le chef soit obéi… Tout


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