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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


vanité, n’ayant au cœur que l’amour de son frère et la passion de l’honneur, il ne se souciait point de paraître diriger la redoutable entreprise.

À l’assignation de Billot, Zola répliqua par une lettre simple, sans colère[1]. Il énuméra tout ce qu’il avait pu dire impunément (puisque Billot ne le relevait pas) : que Pellieux et Ravary avaient fait une enquête scélérate, que Mercier s’était rendu complice d’une des plus grandes iniquités du siècle, etc… « Vous voilà bien tranquille, n’est-ce-pas ?… Eh bien ! vous vous trompez, on vous a mal conseillé… » Il avait écrit à Félix Faure : « Quand on enferme la vérité sous terre, elle s’y amasse, elle y prend une force telle d’explosion, que le jour où elle éclate, elle fait tout sauter avec elle. » L’explosion, quand même, va se produire. « La liberté de la preuve, voilà la force où je m’attache. »

On apprit bientôt que Zola citait près de deux cents témoins[2]. C’étaient tous les chefs de l’État-Major et leurs collaborateurs : Mercier et Billot, Boisdeffre et Gonse, Du Paty et Henry, Lauth et Gribelin ; les sept juges qui avaient acquitté Esterhazy, et Esterhazy lui-même : Pellieux et Ravary ; Picquart et Leblois ; Lebrun-Renaud et Forzinetti ; Demange et Salles, les experts des deux procès ; Casimir-Perier ; les ministres de 1894 ; Lucie Dreyfus, Scheurer-Kestner et des hommes politiques de tous les partis, Ranc, Jaurès, Trarieux, Thévenet ; puis, le groupe des intellectuels, Duclaux, Grimaux, Séailles, Anatole France, et des savants, des archivistes, des professeurs à l’École des Chartes et au Collège de France pour faire l’expertise scientifique du bordereau : Paul Meyer, Giry, Havet, les deux frères

  1. 11 janvier 1898.
  2. Signification au parquet des 25 et 26 Janvier.