sante : l’antisémitisme ; mais il avait gardé, avec les passions libérales des bourgeois d’autrefois, leur souci de la correction et, très classique, académique, épris de modération, l’acte romantique et révolutionnaire de Zola l’effrayait. Du Buit, austère d’apparence, l’air profond, répondit : « J’accepte, mais à condition de plaider la folie[1]. »
Au contraire, parmi les jeunes avocats, Félix Decori et Labori souhaitaient d’être chargés d’une telle cause. Zola se rendit d’abord, mais sans le rencontrer, chez Decori, réputé pour sa force oratoire et sa connaissance des mobiles, le plus souvent extérieurs à l’affaire, qui émeuvent les jurés. Leblois l’engagea, le jour même, à faire choix de Labori qui donnerait un grand éclat au rôle de justicier, sur cette vaste scène des assises pareille à un théâtre populaire. Labori accepta aussitôt. Il fut décidé, un peu plus tard, qu’Albert Clemenceau, frère cadet de l’ancien député, se présenterait pour le gérant de l’Aurore, Perrenx, et que Clemenceau lui-même plaiderait pour le journal, bien qu’il ne fût pas avocat[2].
On constitua, ensuite, une manière de conseil de défense, dont je fis partie, avec Trarieux et Leblois, mais dont l’âme fut Mathieu Dreyfus. Il conservait un sang-froid imperturbable, à travers tant de péripéties, exactement renseigné sur toutes choses, fort politique, très ferme aussi, et, après avoir vécu si longtemps, comme un paria, loin des hommes, manieur d’hommes très habile, parce qu’il savait l’art de ménager les amours-propres, qui ne faisaient point défaut, et que, sans nulle