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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS

Il ignorait que Dreyfus avait pris copie de sa lettre à Mercier et qu’il avait écrit à Demange pour lui raconter, le soir même, son entretien avec Du Paty[1].

Lucie Dreyfus fut très émue du discours de Cavaignac. Elle me raconta la visite de Du Paty à son mari, me montra une copie des lettres de Dreyfus à Demange et à Mercier. Tout s’éclairait. Aux preuves morales que Dreyfus n’avait pu s’accuser d’un crime dont il était innocent, s’ajoutait maintenant une preuve matérielle, l’explication simple, lumineuse, des propos mal compris ou mal rapportés par Lebrun-Renaud.

J’écrivis une lettre publique de Mme Dreyfus à Cavaignac, avec le récit complet de ces incidents[2].

Cavaignac, surpris, mais toujours confiant dans la parole des généraux, interrogea Boisdeffre et Gonse qui lui confirmèrent leurs précédentes confidences, mais ajoutèrent que le document « contemporain » était chez Billot. C’est ce que Cavaignac répondit sèchement à Mme Dreyfus[3]. « Ce témoignage écrit est entre les mains de M. le Ministre de la Guerre. » Mais quel témoignage ? Et de qui ? Il ne le dit pas.

  1. Cass., III, 534, 536.
  2. 14 janvier 1898. — Mme Dreyfus donnait le texte complet de la lettre de Dreyfus à Mercier : « Cette lettre figure au dossier du ministère de la Guerre : vous deviez la connaître ; elle aurait dû vous empêcher de porter à la tribune de la Chambre l’assertion que vous y avez portée Et c’est le lendemain du jour où il écrivait cette lettre que mon mari aurait fait l’aveu que vous avez présenté à la Chambre, comme la preuve de la culpabilité d’un martyr, d’un innocent ! La démarche de M. Du Paty de Clam prouve que, jusqu’à la fin, le général Mercier a eu des doutes sur la culpabilité de l’homme qu’il n’avait pu faire condamner qu’en violant la loi et qu’en trompant les officiers du conseil de guerre. La lettre authentique de mon mari dément le propos qui lui a été prêté. »
  3. 15 janvier : « Je suis obligé de vous dire que vous vous trompez. Ce témoignage écrit… etc. — Cavaignac ne dit pas encore qu’il l’a vu.