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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


défenseurs de Dreyfus Iscariote étaient les complices de l’étranger, payés pour provoquer une nouvelle guerre avec l’Allemagne. Il était encore moulu de l’Invasion. Quiconque lui eût parlé de justice, il l’aurait chassé à coups de fourche.

IX

Les classes moyennes, il y a un demi-siècle, s’étaient séparées de la haute bourgeoisie quand celle-ci, après avoir voulu tout le pouvoir pour les seuls privilégiés de la fortune, avait passé à l’ennemi. Elles formèrent alors les cadres de la démocratie ouvrière, comme les sous-officiers de l’ancien régime avaient formé les cadres de l’armée de la Révolution, après le départ des grands chefs pour Coblence. Cette moyenne et cette petite bourgeoisie étaient, pour les deux tiers, républicaines. Comme elles se renouvelaient sans cesse par l’afflux régulier de ceux des ouvriers qui, enrichis par le travail et l’économie, devenaient, à leur tour, patrons et bourgeois, elles restèrent longtemps en communion d’idées avec le peuple. Puis, à leur tour, elles hésitèrent. Les évolutions politiques s’étaient faites à leur profit. Les révolutionnaires heureux se sont toujours scandalisés des révolutions qui se font après la leur. La nécessité d’une évolution sociale leur échappa. Ces bourgeois, pourvus et apeurés, s’éloignèrent du peuple précisément à l’heure où ils eussent dû se pencher vers lui avec le plus de sympathie. Las de politique, de tant

    que Dreyfus était innocent, et leur porte-paroles, Judet, ancien normalien, ami d’Henry et de Drumont, illuminé, haineux, fielleux, qui voyait partout des embûches et des complots.