ennemie, non seulement un bourgeois et un riche, mais un juif et un officier. Le faubourg, lui aussi, eut ses Ponce-Pilate : « Dreyfus nous aurait massacrés comme les autres. C’est une querelle de soldats. Laissons les bourgeois s’occuper des bourgeois. Ce n’est pas notre affaire. S’il s’agissait d’un ouvrier, qui s’en occuperait[1] ? »
Ce fut l’argument empoisonné. Dans l’égoïsme ambiant, il porta longtemps, aiguisé par les antisémites, par Rochefort qui avait conservé une clientèle ouvrière et ne se lassait pas de dénoncer le complot des puissances d’argent en faveur de leur juif. Les promoteurs de l’entreprise, qui sont-ils ? Des bourgeois, sénateurs et députés, qui ont voté les lois sur les menées anarchistes, les lois scélérates[2].
D’autres encore, démocrates chevronnés, que le peuple croyait des esprits généreux, parce qu’ils en avaient le vocabulaire, entretinrent ces rancunes : « Et il ne se trouve pas, clamait Pelletan, dans ce pays, jadis fameux par son bon sens, un formidable entraîneur national pour crier à tous ces gens-là, cléricaux et hommes d’argent : Vous nous écœurez et vous nous indignez les uns et les autres ! Vous livrez la patrie française, les uns et les autres[3] ! »
Les députés socialistes dénoncèrent, dans un manifeste, « l’équivoque antisémite » et l’insolence de l’État-Major, « recruté par les Jésuites ». Mais, comme Jaurès, lui-même, et Guesde, Deville, Viviani, Millerand,