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CHAPITRE IV

LA CRISE MORALE

I

Méline, encore une fois, crut l’Affaire finie. C’en était seulement le prologue. L’entr’acte dura à peine vingt-quatre heures.

Le triomphe des journaux patriotes fut très insolent. Ils revendiquèrent l’honneur d’avoir contribué à l’acquittement d’Esterhazy ; Drumont rappela avec orgueil que, le premier, il était venu à son secours ; ses juges ne l’ont pas seulement acquitté, mais félicité, embrassé.

Ce mensonge se répandit partout, devint légende[1].

Esterhazy reçut de nombreux témoignages de sympathie[2]. Ces félicitations, pour la plupart, émanaient

  1. Il ne fut démenti qu’au procès Zola par l’avocat général Van Cassel, qui donna lecture d’une lettre du général de Luxer à Billot : « Les juges, questionnés individuellement par moi, au sujet de cet incident, m’ont formellement déclaré n’avoir pas revu M. Esterhazy après la clôture des débats, ni dans la salle des séances, ni à l’extérieur de cette salle, soit dans la cour de l’hôtel, soit dans la rue. » (II, 213.)
  2. Il exhiba aux journalistes qui s’empressaient chez lui « une montagne de lettres, de cartes et de télégrammes ». (Écho de Paris, Matin du 14 janvier 1898.)