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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


l’attaque contre un homme et le huis clos de sa défense indigna seulement quelques républicains.

S’il ne savait rien des accusations portées contre lui, n’ayant pas assisté à la lecture du rapport Ravary[1], Picquart ne se faisait nulle illusion sur l’issue du combat ; mais, fort de sa conscience, sûr de sa mémoire, sûr aussi qu’à se tenir ferme à la rampe de la vérité, il ne risquait que de nouvelles persécutions, il développa jusqu’au soir son réquisitoire contre Esterhazy. Les juges, qui avaient cru le voir paraître en posture humble d’accusé, furent surpris d’entendre un accusateur. Un seul, Rivals, sembla favorable. Les autres étaient hostiles, ne comprenaient d’ailleurs pas grand’chose.

Pellieux n’était pas intervenu à l’audience publique[2]. Dès que le huis clos fut prononcé, il prit une part active aux débats, et, de sa voix hautaine, ironique et dure, chaque fois que Picquart parlait de Billot ou de Boisdeffre, il l’arrêtait, lui défendait de mêler ces grands noms à une telle affaire[3].

Quelques officiers, admis à assister aux débats, lui faisaient des signes désespérés pour qu’il se tût des grands chefs. Mais Picquart poursuivit son récit. Certaines interruptions, que Pellieux fit en ricanant, lui parurent inintelligibles, parce qu’il ignorait tout des mensonges d’Henry et de Lauth. Il ne comprit qu’après l’audience, quand il lut, dans les journaux, le rapport de Ravary[4].

  1. Procès Zola, I, 296 ; Rennes, I, 470, Picquart.
  2. Procès Zola, I, 276, Pellieux.
  3. Pellieux convient qu’il est intervenu fréquemment. (Procès Zola, I, 274.)
  4. Procès Zola, I, 296 ; Cass., I, 205, Picquart.