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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


de mots ». Pourtant, « il n’y a pas de calque pour celles des lignes du verso qui sont superposées à des lignes du recto ». « Mais le procédé du calque a pu être employé pour le recto tout entier et pour les autres lignes du verso », notamment pour celles qui contiennent le mot « manœuvres[1] ».

Évidemment, il se trouve dans le bordereau des « formes de lettres qui sont caractéristiques de l’écriture d’Esterhazy » ; mais il existe un contraste frappant « entre l’homogénéité de chacun des écrits d’Esterhazy, où le même type d’écriture se conserve d’un bout à l’autre sans défaillance », — il dit lui-même que son écriture est « très fantaisiste[2] », — « et les incohérences de toutes sortes relevées dans le bordereau, les hésitations, les reprises, la gêne, la contrainte qui y paraissent ». Ainsi, la ressemblance incontestable et la prétendue dissemblance plaident également pour Esterhazy et révèlent la fraude.

« Supposons que le commandant Esterhazy ait fabriqué le bordereau : il est clair qu’il se sera efforcé de dissimuler sa personnalité graphique. » Or, Belhomme, Couard et Varinard ont trouvé dans le bordereau un nombre considérable de lettres « identiques à celles de l’écriture courante d’Esterhazy » ; donc, le bordereau n’est pas de lui.

« Peut-on admettre qu’Esterhazy ait pris à tâche de reproduire des lettres identiques en les traçant avec une application soutenue, dans un écrit qu’il voulait faire attribuer à une autre personne ? » « L’s double est celle qu’emploie habituellement Esterhazy, mais peut-on

  1. Plus tard, Couard (Cass., I, 504 ; Rennes II, 485) et Belhomme (Cass., I, 508) dirent que « seulement quatre ou cinq mots, tant au recto qu’au verso, avaient pu être calqués ».
  2. Rapport Ravary.