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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


Dès son premier mot, les applaudissements éclatèrent à droite, à gauche, à l’extrême gauche[1] ; puis, ils gagnèrent le centre, qui tremblait, s’il se taisait, d’être suspect et qui se joignit à l’immense ovation :

C’est à M. le ministre de la Guerre que mon interpellation s’adresse, parce que c’est à lui, c’est au chef du département de la Guerre que je veux demander de venir ici, par une parole solennelle, venger les chefs de l’armée et, en particulier, le chef de l’État-Major général.

Le venger, de quoi ? de la nouvelle donnée à un journal belge par un Français de passage à Genève, qui a été reproduite seulement par le journal de Millevoye, après avoir été annoncée par lui depuis deux jours !

Toute la droite est debout, acclamant. Les deux tiers des républicains applaudissent aussi, dans un enthousiasme fait de peur.

La légende du Syndicat, jusqu’alors, n’avait pas pénétré dans l’enceinte parlementaire. De Mun l’y introduit, au milieu des mêmes acclamations :

Il faut qu’on sache s’il est vrai qu’il y ait dans ce pays une puissance mystérieuse et occulte, assez forte pour pouvoir, à son gré, jeter le soupçon sur ceux qui commandent à notre armée, sur ceux qui, le jour où de grands devoirs s’imposeront à elle, auront mission de la conduire à l’ennemi et de diriger la guerre.

Il faut qu’on sache si cette puissance occulte est vraiment assez forte pour bouleverser le pays tout entier, comme il l’est depuis plus de quinze jours, pour jeter

  1. « Vifs applaudissements à droite, à l’extrême gauche et à gauche. — Nouveaux applaudissements sur les mêmes bancs. — Nouveaux applaudissements sur un grand nombre de bancs. » (Compte rendu officiel.)