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L’ENQUÊTE DE PELLIEUX


Castelin demandait à poser une question au Président du Conseil qui acceptait.

Castelin pria seulement Méline « de vouloir bien apporter à la tribune des déclarations de nature à rassurer l’armée, l’opinion publique et la Chambre ». Méline répondit brièvement : « Je dirai tout de suite ce qui sera la parole décisive dans ce débat : il n’y a pas d’affaire Dreyfus. » La droite, le centre applaudirent. Il répéta : « Il n’y a pas, en ce moment, et il ne peut pas y avoir d’affaire Dreyfus. « On applaudit de nouveau. À gauche et à l’extrême gauche, on s’exclame. « En ce moment ! » souligna Rouanet.

Méline, s’obstinant, répliqua : « Une accusation de trahison a été portée contre un officier de l’armée ; cette question particulière n’a rien à voir avec l’autre. « Cependant, la base des deux accusations est la même : le bordereau. Sur le sophisme de la chose jugée. Méline a mis le masque du Droit.

Maintenant, il explique la procédure judiciaire. « Personne ne suspectera la loyauté de celui qui a donné l’ordre d’informer. Le juge rapporteur pourra proposer soit le renvoi, soit une ordonnance de non-lieu. »

« Quelle est l’inculpation ? » demande Goblet.

En effet, si Esterhazy est condamné sur le bordereau, comme l’a été Dreyfus, c’est la Revision.

Méline ne répond pas à la question ; il rappelle le principe de la séparation des pouvoirs ; mais il ne s’en tient pas là, et l’orage qu’il veut conjurer, il le déchaîne : « Cette affaire, dit-il, ne saurait être traitée sans grande imprudence par la voie d’une publicité sans frein qui peut exposer le pays à des difficultés imprévues. » Pelletan : « C’est comme cela que vous défendez l’honneur de l’armée ! » Goblet : « Vous devriez finir cette affaire ! » Méline : « Certes, cette campagne n’atteint pas l’hon-