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L’ENQUÊTE DE PELLIEUX


une dame, était descendu, sous le nom de Thérouanne, au Grand Hôtel.

Cette date du 24 décembre 1893 avait été donnée par Esterhazy ; il était alors malade à Rouen, forcé de garder le lit, visité tous les jours par le major et des camarades qui en auraient témoigné[1].

Le lendemain, l’agent s’était introduit dans la chambre d’Esterhazy pendant une absence et y avait dérobé, dans une sacoche de sa compagne, une lettre chiffrée. (C’était un chiffre analogue à celui dont Henry avait fait usage pour la première lettre à l’encre sympathique qui avait été adressée à Dreyfus, à l’Île-du-Diable.) Il lut ce qui suit :

17 Décembre 1893.

Madame, votre exigence dépasse toute limite. Vous ne tenez aucun compte des sommes versées, beaucoup plus considérables que celles qui vous avaient été promises. Et cependant vous n’avez pas livrée (sic) la totalité des documents contenus dans votre bordereau. Faites-moi tenir la pièce en question et satisfaction vous sera donnée.

Veuillez dire à Walsin que je serais (sic) jeudi soir chez Sternberg. À vous.

Otto.

L’agent avait aussitôt porté cette pièce à Sandherr et n’avait plus entendu parler de rien. Au mois de janvier suivant, il avait été envoyé à Coblence, en mission secrète, sous le nom de Lemercier — il disait s’appeler Picard[2]. — Mais, dénoncé sans doute par Esterhazy, il

  1. Récit d’Esterhazy dans le Matin du 23 mai 1899. — Esterhazy dit que l’affaire fut combinée avec lui par Henry et Du Paty ; et de l’assentiment de Gonse.
  2. Il s’était présenté au Radical et au Figaro, sous le nom de Picard. Quand je fus amené, comme on le verra, à raconter l’incident, je craignis qu’en désignant le fourbe sous le nom