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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


douter de ce qui m’est arrivé ; ah ! l’épouvantable histoire ! c’est à en avoir les cheveux blancs ! » Pellieux lui présenta le petit bleu ; Picquart observa : « Je crois le reconnaître ; pourtant, il me semble que l’écriture était plus homogène[1] ». (À cause du grattage d’Henry.) Pellieux, sèchement, dit que la pièce n’était pas authentique et lui demanda pourquoi il avait fait disparaître des photographies de la carte-télégramme les traces de déchirure. Mais il ne lui dit rien de toutes les autres accusations qu’Henry et Lauth avaient portées contre lui[2]. Picquart, pourtant, se sentait enveloppé d’un immense filet. Pellieux lui disait tantôt : « Vous êtes un témoin, vous n’êtes pas accusé », et tantôt : « Vous avez commis une faute très grave ; je suis obligé d’en référer au gouverneur ; vous avez, d’ailleurs, demandé vous-même une enquête[3]. » La séance fut lourde[4]. Il l’autorisa à voir les membres de sa famille et quelques amis militaires ; mais il lui fit promettre de ne pas voir d’autres personnes et, notamment, Leblois[5].

L’avocat lui ayant fait parvenir une lettre, Picquart la brûla sans la lire.

À la seconde séance, il voulut parler du bordereau : vivement, Pellieux s’y opposa, alléguant que le bordereau avait été attribué par un jugement à Dreyfus et qu’il faut respecter la chose jugée[6]. Il lui montra le document libérateur : la pièce Canaille de D[7], lui demanda, très sévèrement, s’il connaissait une femme du nom

  1. Enq. Pellieux. 26 novembre 1897.
  2. Cass., I, 203 : Rennes, I, 470, Picquart.
  3. Procès Zola, I, 340, Pellieux : Cass., I, 203, Picquart.
  4. Procès Zola, I, 292. Picquart.
  5. Cass., I, 203, Picquart.
  6. Procès Zola, I, 273, Pellieux.
  7. Ibid., 317, Picquart.