Ainsi, Esterhazy ne s’abaisse pas à dire à Pellieux que les questions, traitées au bordereau, dépassent sa compétence, et que, seul, Dreyfus a pu en être instruit. Sa fierté lui est revenue. Que la presse répande cet argument saugrenu et que des députés l’acceptent[2], c’est tout bénéfice. Mais, soldat répondant à un soldat, il se borne à affirmer qu’il n’a pu avoir ces renseignements qu’à la fin de l’été, — donc, après la date assignée par Mathieu lui-même au bordereau.
Cet acte d’accusation de d’Ormescheville, qui, adroitement, par des identifications tendancieuses, fait naître dans l’esprit des juges et, par contre-coup, dans tout le corps d’officiers, l’impression, puis la conviction, que le bordereau est d’avril ou de mai et non de septembre, a donc préparé l’alibi d’Esterhazy.
Mais cet alibi lui-même, si Pellieux avait eu quelque curiosité, n’eût pas sauvé Esterhazy. En effet, dès le printemps de 1894, en mars, sept mois avant d’écrire le bordereau, Esterhazy avait fait offrir à Jules Roche des renseignements précis sur la mobilisation :