l’invita ensuite à y répondre. Ce lui fut un jeu. Il lui montra ensuite le document libérateur, qu’Esterhazy avait affecté ne pas bien connaître[1], et, aussi, mais hors séance, la lettre qu’il avait reçue de Bernheim[2]. Celui-ci déclarait n’avoir pas prêté le manuel d’artillerie à Esterhazy, mais seulement le règlement (non confidentiel) sur le service des bouches à feu et une réglette de correspondance.
Esterhazy s’empara de cette version, meilleure, pour sa défense, que son propre récit à Billot et à Millet : « J’ai eu entre les mains, comme je l’ai dit au ministre, un manuel de tir dont je ne me rappelle plus le titre exact. » Et, feignant d’ignorer que Bernheim avait, depuis quatre jours, répondu à Pellieux : « Bernheim pourra dire de quel ouvrage il s’agit, à quelle date il me la envoyé. «
Si c’est un autre document que le manuel cité par le bordereau, l’accusation tombe d’elle-même. Si c’est le manuel, l’accusation tombe aussi, car Esterhazy affirme n’avoir pas rencontré Bernheim avant le mois d’août 1894, et Mathieu lui-même place le bordereau en mai[3].
Bernheim, quand il déposa le lendemain, eût voulu s’en référer simplement à sa lettre. Pellieux dit que cela ne se pouvait pas. Le lieutenant obéit, redit, plus sommairement, ce qu’il avait écrit[4]. Pellieux le congédia alors, sans lui poser de questions, mais se garda de consigner au procès-verbal que Bernheim avait fait, précédemment, une déclaration écrite. Ainsi Esterhazy ne parle pas d’après Bernheim ; c’est le juif Bernheim qui confirme Esterhazy.