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L’ENQUÊTE DE PELLIEUX


vraisemblable pour Pellieux que l’hypothèse de Scheurer, l’innocence de Dreyfus[1].

Esterhazy n’avait pu aller à un dernier rendez-vous de son amie, il y a trois jours, « parce qu’il était entouré d’une bande de gredins qui le suivaient botte à botte, ne le lâchaient pas d’une semelle ». Cela, aussi, parut très plausible.

Tout ce qu’Henry a raconté de Picquart à Pellieux, la dame voilée l’a révélé à Esterhazy. En effet, Picquart lui avait fait ses confidences sur l’oreiller. La confirmation était décisive.

Une seule fois, à la demande de Billot, Picquart avait envoyé un agent dans l’appartement d’Esterhazy absent ; l’agent y avait ramassé seulement une carte de Drumont que Boisdeffre avait fait photographier. Esterhazy accusa Picquart d’avoir fait « cambrioler » son appartement, ouvrir par effraction les meubles et les armoires, tout fouiller, tout retourner[2].

Telle a été, hier, la perquisition chez Picquart, provoquée par Esterhazy. Ici encore, Esterhazy transpose, ne change qu’un nom. Et Pellieux sourit : il n’a donc fait à Picquart que ce que Picquart a fait à Esterhazy. C’est la loi juive du talion. Pourtant, l’imprudente presse du Syndicat crie au scandale !

Dans un deuxième interrogatoire[3], Pellieux donna lecture à Esterhazy de la déposition de Mathieu[4] ; il

  1. Au procès Zola (I, 247), Pellieux refusa « d’exprimer une opinion » sur l’affaire de la dame voilée.
  2. Pellieux accepta, sans contrôle, ce récit d’Esterhazy, le répéta au procès Zola, ajouta que Picquart avait avoué (I. 249). Picquart rectifia vivement (I, 301, 333). Pellieux convint qu’il avait parlé d’après Esterhazy (I, 333).
  3. 20 novembre 1897. (Cass., II, 98 à 102).
  4. Cass., II, 99 : « Pour vous éclairer sur la nature précise de cette accusation, je vais vous faire connaître, point par point, les raisons qu’il allègue. »