Le combat, ainsi voulu par Morès, eut lieu le lendemain[1]. Morès apporta deux paires d’épées, très lourdes[2]. Le sort le favorisa pour le choix des armes. « Après un engagement de quelques secondes, Mayer reçut au creux de l’aisselle un coup d’une telle violence que le poumon fut perforé ; le fer s’enfonça de plusieurs centimètres dans la colonne vertébrale[3]. » Il mourut dans la soirée.
Ainsi débuta l’antisémitisme en France : par le meurtre d’un officier français, alsacien.
La Libre Parole, pour atténuer la responsabilité de Morès, osa écrire que « Mayer était détaché à l’École po-
- ↑ 23 juin.
- ↑ Acte d’accusation : « Le marquis de Morès s’était muni de colichemardes pesant 754 à 781 grammes, alors que l’épée de combat ordinaire est du poids de 500 grammes. » Au procès, les maîtres d’armes de l’École polytechnique déclarèrent que les épées étaient trop lourdes, ce qui fut contesté par les maîtres d’armes civils, Vigeant, Prévost, et confirmé par Esterhazy.
- ↑ Acte d’accusation.
de France), Guérin avait osé formuler tout haut ce souhait criminel… » etc. À l’audience du 30 août, Guérin nie le propos qui lui est imputé par un des témoins à charge, Léo Taxil. Cet ancien élève des Jésuites, de son vrai nom Gabriel Jogand-Pagès, avait débuté par une série de pamphlets orduriers, dont le plus fameux : Les Amours secrètes de Pie IX, lui avait valu une amende de 65.000 francs. Le 24 avril 1885, « la lumière inonda soudain son âme ténébreuse ». Il ferma sa librairie anticléricale et détruisit ses écrits sacrilèges. « Sa conversion apparut comme le triomphe de la grâce divine » ; il reçut l’absolution du nonce à Paris, Mgr di Rendi et commença la publication de ses fameuses Révélations sur la franc-maçonnerie. « Par toute l’Europe, la presse catholique accueillit ses œuvres avec de grands éloges. » (H.-C. Lea, Léo Taxil et l’Église romaine, 12 et suiv.) En 1892, Léo Taxil dirigeait la France chrétienne, où il raconta l’incident du Palais de Justice. Guérin aurait dit encore : « Rothschild, nous l’étranglerons, nous le pendrons à la porte de son hôtel… Ce sera la guerre civile, et tous les Juifs y passeront. » — Morès dit de même à un journaliste : « Nous ne sommes qu’au commencement d’une guerre civile. » (Écho de Paris du 25 juin.)